Mon approche en thérapie familiale (2)
J'ai donc appris à concevoir un dispositif adaptatif et souple. Je reçois les personnes qui viennent, j'explore avec elles activement ce qu'elles peuvent faire pour évoluer à leur niveau personnel, ainsi que leur positionnement dans le couple ou dans la famille. Une réflexion s'engage autour de leurs actions possibles pour faire évoluer positivement la famille. Derrière «positivement» je place une éthique de respect de l'autre excluant le recours à la maltraitance, quelque soit sa forme. Entendons-nous bien: il ne s'agit pas là de la banale dispute dans laquelle un peut élever la voix sans que l'autre ne se sente humilié ou rabaissé. Je m'inscris donc clairement socialement en réprouvant certaines conduites (et non en jugeant les personnes qui les ont – tendance qui s'aggrave dans la société actuelle à la recherche de boucs émissaires). Si besoin j’incite «à faire venir l'autre», ou je le fais directement. Il arrive aussi que je propose des entretiens à un membre seul de la famille ou à une partie de la famille, orientés sur une thématique particulière. La seule condition requise est de travailler dans l'intérêt de tous.
Par ailleurs, s'il veut les aider, le thérapeute travaillant avec des familles à interactions violentes doit sortir d'une seule position d'écoute. Il se doit d'être curieux et «pédagogique», en dévoilant le jeu relationnel de chacun, en proposant des grilles de lecture et des hypothèses à des personnes souvent empêchées «de penser» et d'anticiper sur la suite de leurs relations à venir (par exemple dans les couples violents, le cycle des violences et des accalmies, des séparations et des retrouvailles). Dans ma conception l'aide aux familles confrontée à des violences intrafamiliales se définit auprès de tous (victimes, auteurs, et témoins), chacun étant en souffrance à sa manière : non seulement pour les aider mais aussi pour infléchir positivement l'avenir et pour limiter les conséquences sur les générations suivantes. Comme sur le plan individuel, l’idée est de sortir d’une position de passivité afin d’agir sur sa situation personnelle ou familiale, de remettre en mouvement des situations figées dans des comportements répétitifs.
La menée de la thérapie modélisée par l'IDES réintroduit de l'individuel dans la famille, en travaillant autant au niveau des individus, des sous-groupes que de l'ensemble de la famille.
Les problématiques des générations précédentes sont abordées dans une intention constructiviste (pour construire l'avenir), et non dans une optique déterministe, causaliste pour «désigner des responsables», avec la visée de mieux en cerner l'impact et surtout d'en dégager les personnes. Nous savons en effet que plus il existe des secrets de famille (ou de situations figées), et plus les problèmes sont déniés, plus ces problèmes seront impactés par les générations suivantes. Elles s'appliqueront peut-être à tenter de résoudre des problèmes qui n'étaient pas les leurs au départ.
C'est par exemple un grand classique dans les couples violents. L'auteur de violences reprend parfois à son compte le moyen de défense du parent qu'il a ressenti souffrir quand il était enfant. De son côté, la victime de violences veut souvent «guérir» son conjoint de la violence ou de l'alcool, sensible qu'elle a été aux difficultés de ses parents. Elle est parfois aussi démunie voire terrorisée que son parent «victime». Il est aussi fréquent qu'un parent cherche à atteindre l'autre parent vis à vis de qui il a du ressentiment, en s'en prenant par exemple à ses enfants (abus sexuels, maltraitance physique ou psychologique...). Et que penser d'un homme qui, lors de la grossesse désirée de sa compagne, déprime sans rien y comprendre, et qui finit par apprendre un secret sur ses origines (une adoption qui lui avait été cachée) ? Il a à se dégager de l'impact de la souffrance passée de ses parents, ce «cadavre dans le placard» bien encombrant...
Cette formation a fortement influencé ma manière de travailler même en consultation individuelle, en resituant d'emblée l'individu dans son histoire et en abordant de manière précise sa place dans une lignée et dans une dynamique de vie. Avancer rapidement dans une démarche de réflexion commune des hypothèses sur l'histoire familiale me permet de mieux travailler avec des personnes dès lors que l'aspect familial, passé ou actuel, me semble important. J'y gagne en termes d'efficacité et de rapidité me semble-t-il. Et je peux aussi dire de manière quelque peu provocatrice que j'ai appris dans cette formation à parler aux gens, à parler vrai mais de manière respectueuse, en me situant d'emblée dans une démarche interactive et non dans un silence distant, en disant ce que je pense et en abordant rapidement à mon initiative ce qui ne peut parfois être dit avant bien longtemps. Je pose ainsi très souvent la question des antécédents des abus sexuels, en parlant parfois de mon expérience professionnelle auprès des victimes, manière de signifier à l'autre que ce sujet peut se travailler. Vous pouvez lire les nombreux romans de Jean-Paul MUGNIER qui illustrent bien cette manière d'aborder les problèmes.
En pratique: la consultation «pour l'enfant» ou autour de l'adolescent Plus que quiconque inscrit dans son contexte familial, l'enfant n'est jamais reçu seul d'emblée (sauf cas particuliers). J'ai besoin à minima de savoir quel est son cadre de vie, comment les parents perçoivent leur enfant, de manière individuelle, en relation avec eux et le monde, avec sa fratrie. J'explore avec eux comment ils tentent de régler les petits et les gros problèmes, ceux liés au développement «normal» (conduites d'opposition, difficultés à franchir une étape de développement en oscillant entre revendication à être plus vieux que son âge et conduites régressives...), et face à des problèmes autres.
Le plus souvent la démarche d'aide s'effectue exclusivement en famille ou avec les parents, en peu de séances (il y a souvent une consultation unique). Mon intervention s'effectue le plus souvent sur le contexte éducatif, en amenant parents et enfant(s) à donner un sens nouveau aux difficultés et à les aborder différemment. Recadrage des comportements et «conseils psychoéducatifs» personnalisés occupent alors souvent le premier plan.
Si l'enfant a besoin d'une aide individuelle – si et seulement si – je propose alors des séances individuelles (avec moi ou un confrère). Tout en préservant l'espace de l'enfant, la famille est toujours accompagnée en parallèle.
A l'autonomie parfois mieux affirmée, l'adolescent peut être reçu seul s'il le souhaite, mais aussi en famille. Lorsqu'il y a une problématique familiale sous-jacente ou lorsque la famille est inquiète ou veut faire le point sur l'évolution, des temps d'entretien avec la famille peuvent exister, mais toujours avec l'accord de l'adolescent. Sa réticence est souvent le signe d'un problème qu'il ne peut aborder et que l'on travaille ensemble.
Approche complémentaire: Utilisation de l’HTSMA Cette approche est intéressante pour travailler sur les liens entre les membres d’une famille, pour remettre en chantier une dynamique de développement dans les situations figées. Le travail s’effectue avec une ou plusieurs personnes de la famille. Du fait du mimétisme tous ceux qui assistent au travail en tirent partie.
La collaboration avec ma confrère Catherine HINTZY, avec qui je partage le cabinet, peut faciliter une prise en charge coordonnée avec deux espaces distincts de travail.
Ψ Ma formation auprès de Jean-Paul MUGNIER et de Françoise DOMENACH à l'IDES entre 1994 et 1998 |
Haut de page |